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Reflexiones y pintura
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“Un paisaje, República Dominicana”

Narcisa Puf

Óleo sobre tela. 2023.

Passé, présent et futur

 

Cher lectorat,

 

En juin 2022, après les inquiétudes créées par la pandémie, je suis tombée sur un article qui m’a effrayé et donné la chair de poule. Les auteurs présentent l’étalement urbain comme étant un désastre écologique et économique partout au Canada. Maintenant que j’ai réalisé mon rêve d’enfance de vivre à la campagne dans un endroit en pleine nature, parmi les arbres, les fleurs et les animaux, après avoir connu l’agitation des cités surpeuplées et polluées, je me sens menacée. Je constate aujourd’hui la croissance de la population d’Ottawa et je crains de perdre mon petit paradis rural.

       J’ai grandi à Galati, une ville importante de la Roumanie, mon pays natal. Cette agglomération longe le vieux Danube. Il y a une falaise sur la rive où les gens se rassemblent les jours de repos. C’est un endroit de réjouissance, de rencontres : une fourmilière humaine où on l’entend des rires, des conversations bruyantes, on voit des enfants courir et jouer, des jeunes se frayer un chemin à travers la foule sur leurs patins à roues ou en vélos. Beaucoup de monde de tous âges, de tous les coins de la ville, sans distinction de classe. C’est une puissante ville industrielle, également. Je me souviens des nuages gris et duveteux produits par les hauts fourneaux de l’aciérie. Je les regardais tous les jours assise à la fenêtre de mon enfance. Je pense aussi au bruit du tram et des camions, des moyens de transport en commun débordants de travailleurs et d’étudiants entassés les uns sur les autres. Ensuite, j’ai souvenance de la campagne environnante. Elle m’a dévoilé un monde différent auquel j’aspirais : l’espace, la présence des animaux, les lacs, les champs, la végétation, le calme ; un monde qui m’a inspiré et m’a incité à en apprendre davantage et à me battre jusqu’à ce que je le touche.

       J’ai immigré en 2002 au Canada. Les conditions n’ont pas été faciles au début. J’ai dû vivre dans de grandes agglomérations : Toronto, Gatineau, Ottawa. Après beaucoup de labeur et de chance, ma situation s’est améliorée et j’ai pu réaliser mon rêve de vivre à la campagne, être en contact avec la nature. Mon mari et moi avons acquis une maison avec un grand terrain à la limite Est d’Ottawa, à la lisière de la zone agricole et de la banlieue.

       Maintenant, j’ai retrouvé le potager de mon enfance et ma maison est entourée de forêts et de champs. Il y a même un étang rempli de vie : grenouilles, poissons, canards, rat musqué. Les oiseaux et les papillons virevoltent partout. Je pourrais vivre jusqu’à la fin de mes jours dans cette oasis de tranquillité. Dois-je m’inquiéter de voir les derniers terrains disponibles accueillir de grosses maisons de banlieue ? C’est déjà arrivé dans plusieurs endroits. Quelle pression s’exercera actuellement sur les terres agricoles où j’habite ?

       L’étalement urbain n’est pas juste un concept pour moi, c’est une réalité que je vois se dérouler sous mes yeux. Il n’est pas difficile d’imaginer de quel côté je penche. J’ai un parti pris indéniable qui m’amène à être d’accord avec l’article ci-haut mentionné.

       La densité urbaine est en chute dans toutes les grandes villes étudiées par les chercheurs.  Même si le nombre absolu des habitants augmentent, la ville occupe beaucoup plus d’espace en proportion. Il est bien démontré par ailleurs que le coût des services est presque trois fois plus chers dans les territoires moins denses que dans le milieu urbain densément peuplé.

       L’impact sur l’environnement de l’étalement urbain est majeur. La disparition à jamais de meilleures terres agricoles pour faire place à des maisons, des trains, des routes va tous nous affecter. L’impact sur la flore et la faune, par exemple la disparition des milieux humides qui entraîne l’extinction d’espèces comme la rainette faux grillons qui a fait souvent la manchette comme symptôme du problème, est bien réel pour moi.

Mon étang est le lieu d’une véritable symphonie, « le sacre du printemps », quand les grenouilles entonnent leurs chants nuptiaux.

       La ville d’Ottawa voit sa population s’accroître constamment. Elle dépasse largement 1 million d’habitants auxquels l’immigration ajoute continuellement de nouveaux arrivants. Les revenus de taxes foncières représentent presque les seules ressources financières pour la ville, alors elle a tout intérêt à ajouter de la valeur sur l’ensemble de son territoire. Les promoteurs immobiliers, quant à eux, ne demandent pas mieux que de développer les terrains qu’ils ont acquis d’agriculteurs qui, pour toutes sortes de raison, ont renoncé à poursuivre une exploitation agricole, souvent familiale, qui avait de moins en moins de relève. En conséquence, les pressions sont fortes pour obtenir de la ville un changement de zone agricole en urbaine pour bâtir des parcs et des maisons unifamiliales. Ces arguments rejoignent donc beaucoup de gens et d’entreprises qui voient ce substantiel développement économique comme une occasion en or.

       Dans le même sens, on peut comprendre les gens dont le rêve est de venir s’établir en banlieue. Ils paient leurs taxes comme moi. Ils veulent s’éloigner du bruit et du stress de la ville afin de s’installer dans un environnement plus calme, plus sécuritaire et moins pollué. Ils veulent avoir un grand parterre, une belle pelouse, une piscine, un grand garage double pour leurs autos, des animaux domestiques, un chat, un chien et des enfants. Pour eux, l’étalement urbain n’apparaît pas une catastrophe. Au contraire, nombre de gens ont été effrayés par le confinement vécu durant la pandémie dans des appartements exigus, la ville était devenue l’enfer. Ils ont voulu trouver refuge hors de la cité. Ceci a rendu fou le marché immobilier des maisons unifamiliales. Le rêve devient encore plus dispendieux.

       Pourtant, comme je l’ai mentionné dans mon premier argument, l’augmentation du développement économique ainsi que de l’assiette fiscale en chiffres absolus doit tenir compte des dépenses que cela entraîne. L’ajout des nouveaux services pour ces banlieusards qui s’attendent à conserver leur confort citadin entraîne des déficits croissants. En plus de coûts des maisons qui ne cessent de grimper, tout un chacun doit assumer plus de dépenses et de temps de déplacement. D’ailleurs, la facture pour réparer les dommages causés par l’augmentation des gaz à effet de serre et la disparition des espèces devra bien être partagée un jour.

       En conclusion, je suis une résistante dans cette guerre. Nous, les combattants, notre objectif reste l’étalement zéro. Notre plantation d’arbres va-t-elle devenir une forteresse pour empêcher l’invasion de nos champs qui servent de nidification aux oiseaux, où pousse l’asclépiade, seule plante qui permet au papillon monarque de se nourrir et se reproduire ? Qu’arrivera-t-il de la migration des outardes qui font des pauses bien méritées dans les grands champs voisins et dont le concert résonne chaque soir dans notre ciel ? Je veux protéger ce milieu naturel qui m’est si cher affectivement. J’ai trouvé ici mes origines, ma liberté, ma dignité, ma vie. J’ai espérance de pouvoir y finir mes jours, y vivre une belle mort.

 

Narcisa Puf

 

Bibliographie

 

Champagne, Éric-Pierre (2021). Une espèce vulnérable au bord de l’extinction au Québec. (Consulté le 20 avril 2023). https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2021-04-25/une-espece-vulnerable-au-bord-de-l-extinction-au-quebec.php

 

Duquet, Benjamin et Pagé-Plouffe, Samuel (2022). Étalement urbain : une catastrophe écologique et économique à endiguer. (Consulté le 23 juin 2022). https://vivreenville.org/nos-positions/chroniques/2022/etalement-urbain-une-catastrophe-ecologique-et-economique-a-endiguer.aspx

 

Radio-Canada (2022). Boom démographique en banlieue d’Ottawa et de Gatineau. (Consulté le 19 avril 2023).  https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1861106/hausse-demographique-population-ottawa-gatineau-banlieue-russell-2021#

 

Radio-Canada (2022). Étalement urbain : une expansion de près de 50% pour la région d’Ottawa-Gatineau.  (Consulté le 20 avril 2023).

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1867142/ottawa-gatineau-etalement-urbain-expansion-20-ans

 

 

 

[1] Duquet, Benjamin et Pagé-Plouffe, Samuel. Étalement urbain : une catastrophe écologique et économique à endiguer. https://vivreenville.org/nos-positions/chroniques/2022/etalement-urbain-une-catastrophe-ecologique-et-economique-a-endiguer.aspx

[2] Radio-Canada. Boom démographique en banlieue d’Ottawa et de Gatineau. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1861106/hausse-demographique-population-ottawa-gatineau-banlieue-russell-2021#

[3] Duquet, Benjamin et Pagé-Plouffe, Samuel. Étalement urbain : une catastrophe écologique et économique à endiguer. https://vivreenville.org/nos-positions/chroniques/2022/etalement-urbain-une-catastrophe-ecologique-et-economique-a-endiguer.aspx

[4] Champagne, Éric-Pierre. Une espèce vulnérable au bord de l’extinction au Québec. https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2021-04-25/une-espece-vulnerable-au-bord-de-l-extinction-au-quebec.php

[5] Je fais ici une évocation au ballet composé par Igor Stravinsky Le Sacre du printemps.

[6] Radio-Canada. Boom démographique en banlieue d’Ottawa et de Gatineau. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1861106/hausse-demographique-population-ottawa-gatineau-banlieue-russell-2021#

[7] Radio-Canada. Étalement urbain : une expansion de près de 50% pour la région d’Ottawa-Gatineau. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1867142/ottawa-gatineau-etalement-urbain-expansion-20-ans

[8] Radio-Canada. Boom démographique en banlieue d’Ottawa et de Gatineau. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1861106/hausse-demographique-population-ottawa-gatineau-banlieue-russell-2021#

[9] Radio-Canada. Étalement urbain : une expansion de près de 50% pour la région d’Ottawa-Gatineau. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1867142/ottawa-gatineau-etalement-urbain-expansion-20-ans

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